Page:Borel - Champavert, 1833.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Monsieur, me dit alors le vieillard, Dina, ma fille, est bien sensible à votre politesse, je vous remercie franchement, mais cela pour nous est impossible, nous sommes d’une ruche étrangère, et cette abeille ne saurait sans avanie se mêler à ce guêpier.

Je me retirai tout leste, et joyeux intérieurement de mon effronterie. Mais je m’éloignai seulement de quelques pas guettant et épiant pour les suivre à leur départ jusqu’à leur demeure, afin d’obtenir des renseignements sur cette belle inconnue, de la voir à son balcon en passant, de pénétrer jusqu’à elle ou de lui faire parvenir un message. Je me berçais de ces flatteurs pensers, j’arrangeais tout cela dans ma tête, je savais sa demeure, je passais sous sa croisée, elle y était penchée, je la saluais d’un sourire et du chapeau, j’épiais sa sortie, je gagnais sa duègne ; ou bien, je la suivais à l’église, et comme par hasard je la rencontrais au bénitier, j’offrais de l’eau bénite du bout de mon doigt à son joli doigt, qui la portait à son joli front que bientôt mes lèvres devaient toucher aussi. J’arrangeais tout cela, la déclaration de mon amour, elle me donnait le sien, j’étais reçu chez son père ; ainsi,