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d’honneur ; leurs bons époux et leurs tenants, postés derrière elles, tout entiers aux petits soins, échangeaient force courtoisies, épiant le moindre geste du doigt, la moindre œillade, signe de satisfaction et de plaisir, pour applaudir galamment le motet ou le ménétrier qui charmait leur amie.

Or, ce soir-là, je remarquai près de moi, isolée des dames, à l’écart de la foule, penchée sur l’épaule d’un vieillard, une toute jeune fille.

Je me tournai, surpris, et la contemplai.

Dès lors, la musique ne me toucha plus ; je ne l’entendis plus, peut-être ne venait-elle plus jusqu’à moi ; la pensée de sa beauté l’exorcisait. Je ne saurais que dire de mon ravissement : fixe, ainsi qu’une statue dont la poitrine de marbre battrait, je l’étudiais ; elle m’apparaissait comme une vierge dans une gloire, une vierge peinte par Barthélemy Murillo ou Diego de Sylva Vélasquez. Sa belle figure, dans ma mémoire, n’avait point de sœur ; elle ne semblait ni aux belles filles de mes montagnes, ni aux ravissantes femmes d’Arles, ni aux vives Marseillaises, ni aux Lyonnaises jolies, ni aux damoiselles de Paris, ni aux blondes Brabançonnes ; c’était