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encore leur passage, comme les dolmens druidiques sont là pour nous faire ressouvenir de nos dieux les Gaulois, qui forment maintenant la couche végétative qui couvre comme un engrais le sol de la France. Ces saintes douairières, quoique recevant une pension du gouvernement, mortellement haineuses, n’avaient jamais voulu parler la langue des conquérants, passées, sans contact, à travers plusieurs générations, ces bonne vieilles hablaient toujours la divine langue castillane.

Pèlerin religieux de toutes ruines, j’étais venu les saluer : ma visite les avait emplies de joie, les avait rajeunies de près d’un siècle, avait éveillé en leur âme mille souvenirs tendres et douloureux ; elles m’avaient retenu pour quelques jours ; j’étais pour elles comme un fils ; elles me racontaient toutes ces vieilles choses que plus qu’elles savaient au monde, étalant au grand jour et pour la dernière fois, sans doute, les lambeaux dorés de leur mémoire, secouant les pages poussiéreuses de ce livre du gai-savoir, que le temps ronge comme un rat stupide, et qui allait bientôt se fermer avec leur vie dans la tombe.