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il ne détournât la tête à son appel ; qu’il ne la repoussât de sa case neuve, elle pauvre esclave noire et bonne, pour ces grandes dames à beaux dehors qui colportent des cœurs secs, des âmes basses et vénales, chez tous les jeunes hommes dont elles convoitent le bien, comme le scorpion sa proie, ou que, plus sage, il ne se hâtât de faire choix parmi les filles fortunées pour s’engraisser encore de quelque large patrimoine, de quelque large dot. Cette pauvre enfant voyait son abandon inévitable, et cette pensée déchirante l’accablait.

Au lieu de reprendre la route qui ramenait à l’habitation, comme après une soudaine résolution, elle s’enfonça dans les savanes, marchant sans cesse, se dirigeant vers les montagnes, se cachant à l’approche des insulaires, évitant surtout la rencontre des marrons et des cudjos. Ce pénible pèlerinage par les monts, les fondrières, les ravines, les bois vierges, la harassait. Ses pieds endoloris par la marche refusaient de toucher le sol. Elle n’avait pris pour toute nourriture que quelques pommes des acajous couvrant ses montagnes, et bu de l’eau des torrents où elle baignait