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C’est bien !… mais je suis ambitieux. Je t’ai conviée cette nuit, vois-tu, pour te faire des adieux pour quelque temps, et t’avouer un projet que j’accomplis. Je suis ambitieux, t’ai-je dit, car sous un dehors frivole je cache un cœur qui se ronge. Dans mes veines ruisselle un sang qui me ravale, et ce front qui pense, et ces reins puissants se courbent sous le fouet d’êtres stupides et féroces à peau blanche, qui savourent mes sueurs, qui s’égaient au râle que m’arrache la fatigue. J’ai assez souffert ! cette lâche vie me tue, il m’en faut une autre ! L’esclave veut se redresser et briser ses garrots. Je suis fier, vois-tu, je suis ambitieux, quelque chose en moi me pousse, moi esclave, à la domination ; enfant, je rêvais royauté, je rêvais habits d’or, long sabre, cheval…

Pauvre Quasher ! ta royauté, c’est le malheur !

Or donc, une occasion, un hasard se présente, je puis devenir riche, grand ; je puis être gorgé d’or ! Ceux qui me repoussent aujourd’hui bientôt me tendront la main, à mon tour je leur cracherai à la face !

— Ô mon Quasher, restons pauvres, la richesse rend méchant.