Page:Borel - Champavert, 1833.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un haras blanc qu’elle caressait ; tantôt, lui fredonnant cet air créole des Antilles françaises, dont assurément elle ignorait le sens :

Mounché Béqué li un boun blan,
Quand li coqué li payé comptant,
      Résonnablement !


tantôt, calme, mélancolique, la tête penchée sur l’épaule, elle paraissait enfouie dans les rêves intuitifs d’un bonheur à venir, dont se bercent toutes jeunes femmes.

— Abigail ! mais contez-nous donc un conte, criait toujours la marmaille : nous serons bien sages, nous ne battrons plus le petit John Blackheat !

La jeune fille fut arrachée à sa douce méditation.

— Mais, enfants, que me voulez-vous ?

— Un conte, Abigail !

— Un conte, je n’en sais pas, petits amis.

— Si, si, si, celui des pikarouns, tu sais ?… qui t’emportaient, et où l’obi, tu sais ?…

Alors Abigail, tout en passant les doigts dans les plumes de son haras, commença d’une voix