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Un Français vient de mourir, dont la disparition est demeurée presque inaperçue en France. Il a glissé dans la mort comme il avait passé dans la vie, en s’effaçant.

Tandis que toute son œuvre, et l’on peut dire son existence entière, ont été consacrées aux progrès de l’humble humanité, la renommée de Pierre de Coubertin n’a jamais atteint qu’une rare élite. Par un singulier paradoxe, cet ardent libéral, ce démocrate sincère et vrai a toujours fait chez nous figure d’aristocrate et de réactionnaire. Il est resté complètement méconnu.

S’il a fait quelque peu parler de lui, c’est en matière sportive, lorsqu’il rétablit les Jeux olympiques. Mais ce que la plupart ignorent c’est que, dans sa pensée, cette rénovation constituait davantage un point de départ qu’un but. Ce qu’il voulait, c’était par le moyen de ces hautes compétitions sportives, stimuler à la fois l’émulation, la fierté nationales et la mutuelle compréhension, l’interpénétration internationales. Il voulait faire renaître, à la manière hellène, le culte de la beauté en même temps que le culte de l’intelligence par une sorte de prime accordée aux mieux doués, aux plus dignes sous le rapport bilatéral des choses du corps et de l’esprit.

Si un homme a bien mérité le Prix Nobel de la paix, qu’il n’a d’ailleurs pas reçu, c’est vraiment Pierre de Coubertin. Mais il fuyait tous les honneurs et toutes les popularités, et jamais il n’a rien sollicité.

Sans doute est-il un peu vexant pour nous, Français, de constater que, s’il existe à Berlin une place qui porte le nom de Coubertin, il n’a jamais reçu le moindre hommage public, la moindre récompense en son propre pays. C’est la Suisse qui fêta son jubilé, et il n’était pas même chevalier de la Légion d’honneur !…

Pierre de Coubertin laisse une œuvre considérable, à peu près totalement inconnue.