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Après quoi les États-Unis assuraient les démocraties-sœurs de leur concours le plus actif et le plus « désintéressé ».

Tels étaient les propos que versaient dans les pauvres cervelles des Daladier, des Lebrun et des Chamberlain les ambassadeurs de Roosevelt. Prétendument soucieux du bien des peuples, il n’était qu’anxieux de résoudre, aux dépens d’une Europe livrée à sa merci, la redoutable crise que sa conception du New Deal s’avérait impuissante à guérir.


DEUX CRISES — DEUX SYSTÈMES — DEUX HOMMES

L’exaspération des États-Unis contre l’Allemagne était d’autant plus vive qu’un parallélisme frappant s’établissait entre la position dangereuse du Reich et celle non moins critique de la République étoilée en 1933, qu’en 1939 l’Allemagne avait gagné la grande bataille économique que l’Amérique avait perdue, et qu’à l’entreprise avortée de Roosevelt s’opposait l’œuvre triomphale d’Hitler.

Les deux hommes avaient pris le pouvoir en 1933, au moment où la virulence de la crise se concrétisait en Allemagne par l’existence de 7 millions de chômeurs, aux États-Unis par 13 millions. Cependant, les États-Unis possédaient à l’époque des moyens de redressement dont l’Allemagne était dépourvue. Ils avaient la sécurité extérieure, la pleine disposition de leurs ressources, la puissance de leur or, un outillage industriel parfait, une clientèle, des débiteurs ; l’Allemagne, à l’opposé, n’avait que des créanciers, peu de clients, une industrie paralysée, des institutions chancelantes, pas d’or, des ressources limitées, et l’hostilité générale. Bref, Roosevelt avait bien des choses à changer, mais Hitler avait tout à créer.

Cependant, tous les deux déclaraient s’inspirer de principes similaires, s’assignaient des buts identiques, prenaient face à leur peuple les mêmes engagements. Hitler voulait l’établissement d’une COMMUNAUTÉ nationale, l’abolition de tout préjugé de classe, l’éducation de l’homme allemand dans le sentiment de la COMMUNAUTÉ ; Roosevelt parlait de réaliser une véritable COMMUNAUTÉ d’intérêts et préconisait des réformes établies sur la base d’une VIE COMMUNE englobant aussi bien les grands que les petits ; Roosevelt accordait pleine liberté à l’individu de s’élever le plus possible et ajoutait ne pas croire qu’au nom sacré de l’individualisme il faille permettre à quelques particuliers puissants de traiter comme une matière première pour les besoins de leur industrie les vies de la moitié de la population des États-Unis ; Hitler avait écrit : ce n’est pas le peuple qui est fait pour l’Économie mais au contraire l’Économie qui est faite pour le peuple. Peuple et Économie ne sont pas les esclaves du capital dont le rôle est celui d’un auxiliaire économique.

Comme Hitler, Roosevelt refusait aux magnats et aux sociétés financières le droit de dominer la nation. Son National Industrial Recovery Act était né de la même pensée que le Statut national-

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