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fête en prétendant faire de l’Europe un bloc, capable de leur tenir tête. À ce bloc, il fallait l’adhésion de la France, et les États-Unis employèrent à l’en détourner tous les moyens d’intimidation et de pression. Leur dépit d’y avoir échoué fut d’autant plus amer qu’ils avaient un instant failli y réussir. Ils nous vouèrent dès lors aux gémonies.


LES ÉTATS-UNIS CONTRE L’ALLEMAGNE

Dès 1935, les États-Unis prenaient ombrage des doctrines économiques révolutionnaires introduites en Allemagne par Adolf Hitler. Ces doctrines émancipatrices s’opposant à l’étreinte du régime dénommé libéral sur lequel reposaient leurs projets de domination et de super-prospérité, il leur importait au plus haut point d’en arrêter le développement et, puisque le Reich allemand s’en faisait le champion, d’abattre le Reich allemand.

Cette idée fit son chemin, d’abord à travers des discours, pudiquement voilés de considérations morales inspirées de la défense des droits de l’homme, des libertés démocratiques et de la civilisation chrétienne. Elle se concrétisa par la suite en certaines attitudes de réserve, par exemple le refus de conclure avec l’Allemagne aucun traité de commerce. Et puis elle se fit insidieuse.

La diplomatie américaine travailla dès lors à détourner l’Angleterre et la France de toute entente avec Hitler, à les convaincre que le Reich menaçait, et menacerait en tout état de cause, leur indépendance nationale, leurs conquêtes spirituelles et leurs biens, bref à les imprégner de la pensée d’une guerre préventive qu’il serait de leur intérêt de provoquer avant que l’Allemagne y soit prête.

C’est ici que se placent les rapports hilarants des « experts » militaires américains, sur lesquels se basaient les Kennedy, les Biddle, les Bullitt, pour démontrer, chiffres en mains, à nos hommes d’État ahuris, que l’Allemagne ne pouvait pas gagner. Ce n’est pas, disaient-ils, une question de soldats, de canon ou d’avions, mais d’épicier. La guerre se terminera avant que l’Allemagne ne meure de faim parce que les industries allemandes s’écrouleront les premières par manque de combustible et de matières. Sans doute, ajoutaient-ils, les canons et les avions allemands sont-ils plus nombreux que ceux des alliés, mais ils ne serviront de rien lorsqu’il n’y aura plus de munitions ni d’essence. Une guerre menée depuis des positions fixes comme les lignes Siegfried et Maginot, doit nécessairement être une guerre d’épuisement. Elle ne sera en tout cas pas perdue sur les champs de bataille. Elle se terminera sous l’effet du blocus aggravé par le manque de moyens financiers de l’Allemagne. Car les francs, les livres, les marks, les roubles et les dollars comptent plus que les hommes, les balles et les baïonnettes.

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