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L’attitude adoptée par les États-Unis à l’égard de la France depuis juin 1940 a consterné beaucoup de Français.

La France meurtrie n’a vu venir des États-Unis que des excitations perverses, des tentatives de corruption, des représentations, des menaces, puis des mesures de confiscation telles que l’embargo sur son or et la saisie de sa flotte marchande ; la France affamée n’en a reçu que quatre bateaux de vivres envoyés à titre d’appât.

Par tous moyens, déclarés ou occultes, la Maison Blanche a appuyé l’inhumaine manigance britannique d’exaspération du peuple français par la faim : un peuple affamé se révolte mieux, disaient les instruction secrètes anglaises aux agents de cette infâme propagande ; son ambassadeur, l’amiral Leahy, accueilli comme un génie compatissant, a agi en conspirateur ; le président Roosevelt lui-même, feint défenseur du droit des gens, n’a élevé aucune protestation contre les attentats commis sur notre flotte et nos possessions impériales, et il a tacitement approuvé le blocus de nos côtes et l’arraisonnement de nos cargos.

Tout cela — observons-le et retenons-le — sans la circonstance atténuante d’une seule raison de force majeure, mais dans la plénitude de sa volonté libre.

Il est alors devenu très clair qu’aucune considération d’amitié pour la France ni même d’humanité à l’égard de son peuple n’a touché l’âme des dirigeants américains. Ils nous ont délibérément lâchés dès l’instant où ils ont supposé que leurs intérêts se séparaient des nôtres. Ils nous ont traités en adversaires. Ne soyons pas surpris s’ils nous traitent bientôt en ennemis, c’est dans l’ordre logique des choses et voici pourquoi.

Les États-Unis n’ont qu’une politique : celle du profit, celle du dollar. Pour maintenir leur standard of living au niveau le plus élevé du monde, ils sont sortis de leur isolement, ils se sont faits impérialistes. Ayant porté leur regard sur l’Europe, ils n’ont eu qu’une idée : y traiter des affaires, l’accabler de leur crédit, l’enchaîner à leur économie. Ils y ont réussi en 1919, mais leurs imprudences financières ont permis à l’Europe de secouer le joug dix ans plus tard. Instruits par l’expérience, ils avaient compté mieux profiter de la guerre de 1939. Mais l’Allemagne a troublé la

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