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crues ont permis de se baser sur les frais fixes les plus réduits par unité et de concurrencer au delà des mers l’automobile européenne sur son propre marché protégé. On sait aussi comment, au moyen de participations financières, d’absorption d’entreprises, d’ateliers de montage, les « rois » américains de cette industrie ont envahi le marché européen et, davantage encore proportionnellement, le marché africain. Mais il est sûr qu’à mesure que s’élèvera le niveau de vie en Europe, l’automobile prendra, chez nous aussi, un développement qui permettra de fabriquer en très grande série des modèles à la portée de tous. À cet égard encore, les possibilités d’avenir de l’Europe sont supérieures à celles de l’Amérique.

Il est difficile de prévoir ce que la guerre laissera au continent de moyens de transports maritimes. En tout état de cause il est certain que la construction navale aura immédiatement devant elle une longue période d’intense activité.

Quant aux transports continentaux, les États-Unis alignent 402.000 kilomètres de chemin de fer, l’Europe 384.000. Les communications fluviales, routières et aériennes nécessiteront l’exécution d’un immense programme de travaux dans une Europe décidée à multiplier les moyens de liaison, source de vie économique, entre ses membres.

Ces activités exerceront une profonde répercussion sur les échanges extérieurs. En 1928, c’est-à-dire avant la crise américaine, les États-Unis achetaient et vendaient au reste du monde pour 232 milliards de francs, l’Europe pour 80 milliards. Mais la balance américaine présentait un actif de 26 milliards, la balance européenne un passif de 100 milliards. On peut envisager un retournement de ces chiffres et prévoir que le marché extérieur européen, en Afrique et aussi en Asie, se développera parallèlement au marché intérieur et offrira aux industries continentales organisées des débouchés presque infinis.

Tel est le bilan comparatif des forces économiques en présence. Une impression nette s’en dégage, celle que notait, l’année dernière, un journaliste américain : L’Europe est, par sa population, par ses richesses, par sa capacité industrielle et par sa position géographique, PLUS FAVORISÉE que les deux Amériques réunies — a fortiori que les seuls États-Unis, — spécialement si elle peut s’assurer la collaboration du Japon, — c’est-à-dire de l’Asie nouvelle organisée.

Cette collaboration semble acquise puisque le gouvernement de Tokio en fait dès aujourd’hui la base même de sa politique. Elle signifie pour les États-Unis la perte du marché sur lequel ils ont depuis longtemps, mais surtout depuis la guerre mondiale, concentré leur plus grand effort et qu’ils espéraient dominer à l’issue de la présente guerre, une fois éliminés Hitler et ses projets d’Europe unie.

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