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du blé en Beauce ? D’où vient que l’Europe occidentale achetait chaque année 130 à 150 millions de quintaux de blé aux deux Amériques et à l’Australie plutôt qu’à la Russie et à la Roumanie ? D’où vient que la France importait du blé américain plutôt que du blé marocain ? D’où viennent ces faits invraisemblables, ces contresens absurdes, ces anomalies paradoxales ?

De ce que, face à une Europe divisée se dressait une Amérique unie, de ce que cette Europe, affaiblie par ses rivalités, était incapable de défense contre l’internationale capitaliste qui la rongeait, contre l’internationale marxiste qui la paralysait, contre l’internationale juive qui l’épuisait. C’était la désertion de nombreuses campagnes, causées par l’abandon des traditions sociales et familiales ; l’indifférence des gouvernements à l’égard de la paysannerie ; l’insécurité du rapport de la terre en l’absence de prix stables et de vente assurée ; l’insuffisance et la cherté des transports intracontinentaux ; la protection douanière ; la spéculation internationale jouant à l’inverse des intérêts généraux et en la seule faveur de quelques maisons aussi peu scrupuleuses que puissantes ; par exemple en France même l’entreprise Louis-Dreyfus.

Ces entraves supprimées, la production européenne pourra impunément s’accroître en surface et en intensité, Le rendement à l’hectare, qui dépasse en Belgique 28 quintaux, n’est que 14,6 quintaux en France, de 9,8 en Roumanie, de 7,7 en Russie ; son relèvement dans ces trois pays, qui fournissent à eux seuls plus de la moitié du blé continental, pourrait, au besoin, la doubler. Il leur suffirait de s’appliquer les méthodes économiques et techniques grâce auxquelles, en Allemagne, le rendement à l’hectare est passé en cinq ans sur des terres moins fertiles que les leurs, de 22,3 à 27,6 quintaux.

Il est sûr en tout cas que plus jamais l’Europe n’importera du dehors un seul quintal de blé. Elle économisera ainsi chaque année de nombreux milliards.

Il en sera de même pour l’orge, le seigle, l’avoine, la pomme de terre.

L’Europe produit les 48 % de l’orge mondial (États-Unis 18 %), les 95 % du seigle (États-Unis 3 %), les 60 % de l’avoine (États-Unis 29 %), les 89 % de la pomme de terre (États-Unis 7 %), ce qui ne l’empêchait pas, faute de distribution réglée, d’en acheter tous les ans des millions de quintaux au dehors.

Même remarque pour le cheptel. Ici encore l’Europe seule vient avant les États-Unis et, augmentée de l’Afrique, les distance de loin.

On trouve en Eurafrique 57 millions de chevaux (55 millions en Europe), les 52 % du monde, contre 16 millions aux États-Unis, 16 % ; 220 millions de bovins (168 millions en Europe), 27 % du monde, contre 60 millions et 10 % ; 98 millions de porcs (Europe 95 millions), 33 %, contre 61 millions et 21 % ; 340 millions d’ovins (Europe 254 millions), 37 %, contre 45 millions et 6 %. Les États-Unis ne sont supérieurs qu’en ce qui touche l’élevage du mulet, avec 5 millions de têtes, plus que le reste du monde n’en possède. Mais n’est-il pas extravagant, en présence des chiffres ci-dessus, de relever qu’en 1937 l’Europe a néanmoins importé


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