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Le chômage, inexorable critérium de la prospérité économique, a été entièrement résorbé en Allemagne : 7 millions en 1932, les sans-travail n’y étaient plus que 400.000 en 1938, en 1939 il y avait pénurie de main d’œuvre ; 13 millions en 1932, les chômeurs des États-Unis étaient encore en 1939, 8.838.000. Et l’effort financier des deux États s’avérait hors de proportion avec le bénéfice obtenu : la dette publique des États-Unis atteignait, en 1938, 432 dollars 65 par tête d’habitant, en augmentation de 154 dollars 80 sur l’année 1928 ; celle de l’Allemagne, 192 dollars, en accroissement de 119 dollars seulement. Les impôts, à la même époque (1938) s’élevaient respectivement à 90 et 41 dollars par tête.

La preuve était donc faite, et la comparaison était, à tous égards, favorable à l’Allemagne. Il apparut alors aux conseillers de White House que les États-Unis ne reprendraient leur position privilégiée qu’à la faveur d’un second bouleversement mondial, que leur marché continental, pourtant intense, n’ouvrait à leur excessive production que d’insuffisants débouchés : il leur fallait le Pacifique purgé du Japon et l’Europe débarrassée d’Hitler.

D’où, sous le masque d’appels publics à la Raison et à la Paix lancés en 1939 par Roosevelt, les excitations en sourdine de la diplomatie américaine, qui jouèrent dans l’éclatement du drame le rôle qu’on a depuis lors connu.


LES ÉTATS-UNIS ET LA GUERRE

Il est incontestable que l’Angleterre et la France n’auraient pas déclaré la guerre en septembre 1939, si elles n’avaient compté sur l’appui des États-Unis, pas davantage si elles n’avaient considérablement surestimé l’efficacité de cet appui.

L’Amérique avec elles, pensaient leurs dirigeants bornés, c’était la certitude de vaincre. Pensez donc ! la plus grande puissance du monde avec son or, ses matières premières, ses industries, ses moyens de propagande et de pression et, peut-être, plus tard, ses navires, ses avions, ses armes à la disposition des alliés ! L’Allemagne avait perdu d’avance.

Le président Roosevelt prit alors publiquement parti. Ses retentissants discours avaient l’allure de plaidoyers pour les alliés, de réquisitoires contre l’Allemagne. Tout ce qu’il put faire pour avantager la coalition, il le fit délibérément.

Malheureusement, ce tout était peu de chose. Pas plus que les alliés, les États-Unis n’étaient prêts à suffire industriellement aux besoins d’une telle guerre. Neuf mois après l’ouverture des hostilités, au moins de juin 1940, nous a appris le général Weygand, ils ne nous fournissaient que cinq avions par jour, « les sommes  énormes que nous avions versées ayant d’abord servi à construire les usines d’aviation que l’Amérique ne possédait pas. »

Cependant la propagation de la guerre n’effrayait aucunement

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