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En attendant qu’on y revienne, il est utile aussi d’ajouter que, lorsque vous faites un achat à terme à New-York ou à la Nouvelle-Orléans, vous devez déposer 10 dollars par balle à titre de garantie, et si vous demandez livraison, la maison américaine se rembourse sur vous à 60 jours de vue, au moment de l’expédition.

À la Havane, les vrais commissionnaires ont également presque cessé d’exister, mais, au moins, sont-ils devenus des spéculateurs francs et résolus. Au lieu de jeter de l’argent pour une masse de dépêches coûteuses, qu’ils seraient obligés de mettre n’importe de quelle manière au dos du client, les Havanais achètent et expédient, pour leur compte, des cargaisons entières de sucre, en tirent le montant sur leurs propres banquiers en Europe, vendent la marchandise, échantillons à la main, flottante ou disponible, avec ou sans bénéfice, suivant les circonstances, et demandent règlement après livraison faite. C’est spéculer ouvertement, loyalement ; c’est présenter un marché honnête, exempt de surprises.

Pourquoi les spéculateurs américains n’adoptent-ils pas ce système ? parce qu’il n’est pas si commode que le leur. Vendre du coton qu’on ne possède pas, s’indemniser sur le classement lorsqu’on se fourvoie, spéculer tout à la fois et faire payer l’affaire comme si elle était à la commission, c’est certainement très-bien combiné pour ceux qui n’ont pas assez de capitaux, mais ce n’est pas une spéculation franche et loyale : c’est du tripotage. Ceux des filateurs qui acceptent de pareilles conditions ne pensent pas au mal qu’ils se font à eux-mêmes. Ils ressemblent à cet imprudent milord qui, aux dernières courses du Derby, se fit voler deux fois sa montre, parce que, la première fois, après avoir pardonné à l’adroit pick-pocket, qui alléguait la misère, sa seigneurie l’a de plus régalé d’une guinée.