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L'OPIUM

Et il empilait dans ses coffres sans regarder, l’embrassant à tous propos avec une gratitude repentante. Les malles achevées, Dieu sait comment, il voulut, comme il l’avait voulu le premier soir, sceller leurs adieux de caresses, mais elle se refusa de nouveau, et la nuit s’acheva sans qu’il quittât sa table de travail, sans qu’elle abandonnât sa chaise. Seulement, elle ne s’y endormit qu’à l’aube.

Vint le soir, l’heure du départ. Elle arriva en avance, repassa avec lui par les pièces pour voir si rien n’était oublié, et dans chacune retrouvant des miettes du bonheur passé, ils laissaient un peu de leur cœur, sans se le dire.

— Je garde ta clé, si tu veux bien, pour revenir ici en pèlerinage. Je la remettrai au concierge et je disparaîtrai quand j’apprendrai ton retour…

Il répondit : « Oui », tout bas, et les bagages chargés, ils descendirent, leurs talons s’accrochant aux marches. Dans le fiacre, leur deuil se contint d’abord, mais ils s’étreignirent à mi-route et leur désespérance alors s’épancha en grosses larmes, muettement.

Voici la gare, les amis qui guettent le poète pour lui dire adieu. Les « deux tourtereaux », comme les indifférents les appellent, ne se trouvent plus seuls et se surveillent dans la foule, où des gens les reconnaissent. Ils sont en retard et les minutes s’envolent vite.

— En voiture !

— Déjà !…

Tout bas, il l’appelait impatiemment, ce signal, car il n’en pouvait plus, brisé de fatigue et d’émotion. Des mains pressent les siennes, le poussent dans son coupé, l’y enferment, et comme il remercie, encadré dans la portière, et souriant à Claire, la femme n’y