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L'OPIUM


n’en rien faire. Alors… oh ! alors, je sentais que tu ne m’aimais plus, plus du tout. Alors, je me refusais à tes caresses, faisant taire ma chair, heureuse quand j’en arrivais à ne plus frémir à ton contact ! Je t’aimais tant, qu’un moment, j’eus l’horrible courage d’espérer être aimée en amie, en amie seulement, et, comme telle, d’être écoutée. Je voulais te sauver de toi-même, mais moi aussi je ne suis pas la femme des longs efforts ! Et je t’aimais trop ! Je retombais à mes regrets qui finissaient en scènes méchantes…

Va, pardonne-moi ! j’avais soif de toi, soif de tes caresses, j’avais dans tout mon sang le souvenir de tes baisers. Je les revoulais, ces baisers ! seulement comme je t’avais habitué à ma froideur, comme ma froideur avait fini par te gagner, tu ne surmontais pas ma résistance qui ne demandait qu’à être vaincue. Et une jalousie m’empoignait, une jalousie atroce, dissimulée, toute en dedans. Ah ! si tu as souffert ! je t’assure que je ne te dois rien !… J’en ai perdu le sourire et jusqu’à la faculté de réunir mes idées. Tout ce qui ne se rapportait pas à ma situation me devenait odieux, et je m’arrêtais au milieu d’une phrase, d’un mot, ne sachant plus. Au théâtre, on me disait folle… Ce n’était pas assez souffrir. Je me dis que j’étais ridicule et je cherchai à te rendre jaloux. J’encourageais, je promettais même, et puis, arrivée l’échéance, prise de rage et de dégoût, je me rétractais, et je te revenais, je revenais à mon amour, comme à ma niche !… Oh ! cher, cher, je sais pas si tout ce qu’il y a eu de bon dans notre liaison prendra sa vraie place et effacera le souvenir nos querelles, si tu me rendras ta tendresse, mais je puis te dire que tu as été, que tu resteras le seul amour, la seule affection de ma vie…