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L’OPIUM
jeunesse et ses anciennes mains pures de sang ; qui, à l’homme orgueilleux, donnes un oubli passager
» Des torts non redressés et des insultes non vengées ;
qui cites les faux témoins au tribunal des rêves pour le triomphe de l’innocence immolée ; qui confonds le parjure ; qui annules les sentences des juges iniques ; — tu bâtis sur le sein des ténèbres, avec les matériaux imaginaires du cerveau, avec un art plus profond que celui de Phidias et de Praxitele, des cités et des temples qui dépassent en splendeur Babylone et Hekatompyios ; et du chaos d’un sommeil plein de songes tu évoques à la lumière du soleil les visages des beautés depuis longtemps ensevelies, et les physionomies familières et benies, nettoyées des outrages de la tombe. Toi seul, tu donnes à l’homme ces trésors, et tu possèdes les clefs du Paradis, ô juste, subtil et puissant Opium ! »
(Id. traduction de Baudelaire.)