Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
CHARLOT S’AMUSE

noyée de l’enfant. Et Charlot s’échappa, avide d’air pur.

Au bout de huit jours, il était fait à sa vie nouvelle, connaissant la maison, les maîtres, ses camarades et s’accommodant assez bien des uns et des autres. Ses condisciples, arrivant aux heures de classe et partant aux premiers coups de cloche, n’avaient pu recommencer contre lui la persécution méchante et bête à laquelle ils se livraient, autrefois, quai de Jemmapes, reprochant à Charlot l’inconduite de sa mère et se coalisant lâchement contre la faiblesse du petit abandonné. L’enfant avait, d’ailleurs, trouvé rue des Récollets des protecteurs vigilants et tendres. C’était, d’abord, le directeur, dont il sentait aux heures de récréation, ou pendant le repas, au réfectoire, le regard obstiné peser sur lui. Puis, il y avait frère Eusèbe et frère Origène, dont il suivait les classes tour à tour. Tous deux lui témoignaient une affection spéciale, caressante, sous la douceur réconfortante de laquelle le gamin ému se laissait doucement vivre, sentant peu à peu sa tristesse s’enfuir et l’oubli s’infiltrer en lui. Maintenant, il songeait rarement à son père, chassant de son souvenir les détails de sa mort et de son enterrement, pour ne le revoir qu’aux heures heureuses, lorsque, le dimanche,