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CHARLOT S’AMUSE

sa casquette et le deuil de ses vêtements avaient déteint sur tout son être. S’il avait pu parler sans crainte de nouveaux coups, il se serait plaint seulement de ce qu’on ne le menât pas assez loin. La rue des Récollets n’était qu’à deux pas du quai de Jemmapes ; le canal franchi, on y était. Il reverrait là ses camarades, ses ennemis. On lui parlerait encore des soulographies de sa mère et, sous les insultes répétées, il lui faudrait encore, et toujours, se battre. Combien il aurait mieux aimé aller de suite à Saint-Barnabé ! C’est loin, d’abord, très loin, au delà des Vanves ; il n’y aurait été connu de personne. Et, pour se consoler, il se répétait, tout en marchant, que dans quelques mois, quelques semaines peut-être, on l’y enverrait. Il se voyait déjà avec l’uniforme de la maison, la blouse grise, le ceinturon verni et le képi à lisérés d’or, marchant au milieu de sa division, les jours de promenade, sous la direction de frères tout noirs, mais rieurs et bons enfants.

Même, il précisait sa rêverie, vivant une vie nouvelle, tout en suivant machinalement sa mère. Il était avec ses nouveaux condisciples, un jeudi, et il passait là sur le quai, devant son ancien logis, au retour d’une excursion dans les champs. Ses camarades de jadis