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CHARLOT S’AMUSE

que Saint-Laurent et le morceau du faubourg Saint-Martin qui passe derrière le chevet du temple. Un jour, ses regrets s’avivèrent subitement. Un regain de désirs l’avait, tout d’un coup, envahie. Elle avait surpris dans une chambre de l’hôtel, par la porte mal close, un couple se vautrant sur un canapé. Sa dépravation se réveilla, mais elle ne s’en confessa plus, tout en continuant à pratiquer avec sa dévotion fervente de Bretonne. À chaque instant, le soir, elle échappait à la surveillance méfiante de son hôtesse, pour aller rôder dans les couloirs et guetter les locataires débraillés. Les garçons de la maison la poursuivirent et, bientôt, elle roula, tous les lits, se prostituant avec une paisible sérénité, avec une naïve impudeur, et baisant pieusement son scapulaire avant de quitter sa chemise.

En un mois, elle achalanda l’hôtel, sa paysannerie faisant la joie de tous les libertins du faubourg, commis et calicots. Le matin, quand elle allait rejoindre sa marraine, les passants, que sa coiffe de Bretonne faisait retourner, ne se seraient jamais doutés que cette honnête servante, à l’air propret et modeste, avait, durant la nuit, comme la dernière roulure du trottoir, fait la joie de cinq ou six garnis.