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CHARLOT S’AMUSE

bientôt, sa passion grandissant, elle alla aussi le retrouver dans le silence de la maison endormie. Cependant, elle avait parfois des crises douloureuses, des larmes qui la prenaient tout à coup. Tout ce qu’il y avait de piété ignorante et exaltée dans son amour s’en allait peu à peu, à vau l’eau, avec ses illusions de fille aimante. Seuls, ses sens la guidaient maintenant, mettant dans ses caresses la sauvagerie bestiale qu’elle tenait de sa mère épileptique. Le prêtre qu’elle avait d’abord considéré comme un demi-dieu, comme un blond séraphin fait à l’image du doux crucifié de ses gravures, lui apparaissait, sans qu’elle se rendît exactement compte de ce qu’elle éprouvait auprès de lui, comme un homme ordinaire, de tous points semblable aux gars du village, mais ayant la peau plus blanche, du linge fin, les mains sans callosités et citant du latin. Elle avait une sourde rancune, comme une honte inavouée, de l’avoir naïvement cru tout autre. Quand elle l’avait mordu à la poitrine, il s’était fâché et l’avait injuriée presque. Puis, cette virilité grosse la surprenait toujours, s’étalant sans gêne devant elle et broyant tous ses rêves. C’était un homme comme les autres, voilà tout. Elle le haït presque tout le jour, lorsque, deux heures après leurs premières