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CHARLOT S’AMUSE

flamme de ce regard avec lui, et voulant ne pas comprendre sa muette prière. Il songeait à avertir le recteur, à faire renvoyer cette fille qui venait troubler sa vie. Cette vie, il l’avait arrangée tranquille, faite de grosses joies, de plaisirs non compromettants, et voilà qu’une femme se mettait en travers.

Le séminaire avait calmé les premiers élans de sa puberté, les intimités du dortoir avaient épuisé ses désirs en lui communiquant l’horreur sacrée de la femme, ses supérieurs avaient fait le reste. Sans imagination, tout en instincts, il avait accepté les renoncements imposés, et, dans sa précédente cure, la chasse, la pêche, les plaisirs de la table lui avaient rendu moins lourd le sacrifice et plus facile la fidélité à ses vœux. Fallait-il que toute son existence fût ébranlée, que son avenir fût compromis par l’obsédante présence de cette fille ? Il voulait se fâcher, il voulait fuir ; mais toute sa colère, tous ses raisonnements, toutes ses résolutions tombaient devant la tentation grandissante qui le persécutait. L’odor di femina l’enveloppait, grisante, capiteuse, et l’âpre vent des falaises qu’il arpentait, rêveur, secouait sa soutane et faisait voler les plis de sa ceinture, sans pouvoir la chasser.

Tout à coup, certain soir, un trouble déli-