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CHARLOT S’AMUSE

accepta avec reconnaissance, cachant la présence continuelle de la jeune fille au curé, qu’elle savait formaliste et méticuleux observateur des règles religieuses. Le vieillard, quand, deux ou trois fois par jour, la filleule entrait chez lui, portant un bol de tisane ou de lait, croyait donc à de simples visites et la remerciait, reconnaissant, s’arrêtant parfois de boire, pour lui reprocher paternellement sa coquetterie et l’accabler de pieux conseils.

Cependant, le vicaire demandé à l’évêché arriva. Sa chambre était prête, et, en un instant, il fut installé. Pendant deux heures, il conféra avec le curé, comme un soldat qui prend la consigne, s’informant des habitudes locales et des mœurs de ses nouveaux paroissiens. La présence d’Anne l’étonna d’abord, mais elle était trop jolie pour qu’il songeât à se plaindre de ce manquement aux prescriptions ecclésiastiques.

C’était un jeune abbé qui sortait à peine du séminaire où l’ambition paternelle, sa position de cadet tardivement venu, alors que ses frères et ses sœurs étaient déjà dotés, et la peur enfin de la conscription, l’avaient conduit à défaut de vocation. Grand et solide, de constitution sanguine, il ressemblait plus à ses frères les laboureurs qu’à un prêtre ; mais la vie du