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CHARLOT S’AMUSE

bas, dans le creux. Jusqu’aux secondes portes, c’était là un bassin étroit et sombre, semblant à peine assez large pour contenir deux chalands accolés. Il n’y avait que quelques mètres d’eau et les pierres des parois habituellement recouvertes surgissaient vertes et moussues avec une viscosité luisante qui blanchissait la profondeur noire du trou.

Charlot s’était assis au bord, les pieds dans le vide. Il rêvait, songeant parfois à s’élancer tout de suite, puis reculant en entendant les planches du barrage résonner sous un pas tardif. Il attendrait. Rien ne le pressait : l’eau, sous la pluie des jets qui échappaient des portes du haut, n’en serait que plus profonde.

De temps à autre, il buvait un coup de rhum à même sa bouteille et la brûlure du liquide râpant sa langue et son gosier lui semblait stimuler sa pensée paresseuse. Cependant, il s’étonnait de ne se sentir ni tristesse, ni faiblesse, et il avait une colère inavouée de trouver aussi banal que le reste son acheminement vers la mort. Puis, il pensa à ce qu’il éprouverait tout à l’heure. Souffrirait-il ? Non. Ce serait une rapide angoisse, comme le jour où, à l’école, en sautant au cheval fondu, il était tombé sur la poitrine. Pendant de longues se-