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CHARLOT S’AMUSE

étaient familières. Son enfance s’était écoulée à côté. Il y serait, pour mourir, à égale distance des trois endroits où s’était en grande partie passée sa vie ; il pourrait même les regarder une dernière fois avant de fermer les yeux. C’étaient, d’abord, la vieille maison noire où il était né, où il avait souffert, où il avait vu sa mère se prostituer, et où enfin il avait connu les plus lamentables désespoirs, et, avec Fanny, les plus délicieuses ivresses ; puis, son magasin, là-bas à l’angle de la rue des Vinaigriers, l’étroit bureau où sa névrose avait grandi sans camaraderie consolante pour arrêter son exacerbation, sans qu’un souvenir heureux y accrochât son souvenir à cette heure : enfin, rue des Récollets, en face de l’hôpital dont il apercevait les têtes de marronniers surgissant par-dessus les tas de bois du Grand I vert, l’école des frères où une inconsciente dépravation s’était pour toujours infiltrée en lui.

Le matin, il alla à son travail comme d’habitude ; seulement, il demanda à son patron l’argent de sa quinzaine. Il voulait payer quelques petites dettes, son traiteur et la vieille femme qui, le jour, gardait son enfant. Il voulait aussi se griser légèrement, afin de ne pas manquer de cœur à la dernière minute. Et,