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CHARLOT S’AMUSE

la chambre, il y avait le désordre d’une fuite précipitée, des cordes, des chiffons traînant à terre, un désarroi, un pêle-mêle de déménagement pressé.

Partie ! Il n’avait pas la force de se demander pourquoi, de chercher à s’expliquer cette chose, de courir pour la retrouver. Il restait debout, immobile, l’œil égaré devant le trou noir du placard où elle mettait sa malle, et il se perdait dans ce vide, désespérément. Partie ! Il ne pouvait, dans son hébêtement, que mâchonner ces deux syllabes.

À présent, il se rappelait ses caresses passionnées de la veille, ses baisers sans fin. Elle était déjà décidée à le fuir, mais elle voulait lui laisser la douceur de cette nuit et de cette journée d’amour, puis, quand elle l’avait vu endormi, elle s’était sauvée sans bruit comme une voleuse. Oui, comme une voleuse, car c’était son bonheur, sa santé qu’elle emportait avec elle, et cette caresse dernière, ces suprêmes enlacements qui avaient été ses adieux, au lieu de laisser la tendresse d’un souvenir à son amant, allaient le hanter désormais et mettre du piment sur sa plaie vive !

Puis, il revécut en cinq minutes, heure par heure, spasme par spasme, cette après-midi de la veille, cette orgie dans laquelle s’était noyée