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CHARLOT S’AMUSE

vigoureux, insatiable. Aussi restait-il au fond, anémique et faible, ne s’en apercevant pas d’ailleurs, et tout à la joie de son intelligence revenue et de ses aberrations mentales envolées.

Fanny semblait continuer à l’aimer, mais seules ses caresses avaient conservé intact leur premier enthousiasme. Une tristesse vague la prenait lorsque son amant était absent, et elle avait dans sa solitude la pesante sensation d’un ennui qui ne finirait point. Deux ou trois fois, elle sortit et revint tard. Charlot, tout en larmes et pris de peur, l’attendait anxieusement à la fenêtre, mais il ne la gronda pas, et elle en eut comme du dépit. Son ancien amant la battait ; or, elle avait au fond l’inavoué regret de cette brutalité qui faisait plus doux ensuite les baisers, et qui relevait de brouilles et de réconciliations joyeuses la monotonie de la passion satisfaite. Elle aimait toujours sans doute le jeune homme, rivée à lui d’ailleurs par les exigences de sa chair, qui n’avait jamais été pareillement contentée, et indifférente à la pauvreté de son ménage ; mais elle s’ennuyait dans la banalité de cette existence calme pour laquelle elle n’était pas faite, et dont le vice l’avait déshabituée. Confusément, elle avait la nostalgie du monde interlope qu’elle avait si