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CHARLOT S’AMUSE

saient. Une de ces attaques le saisit au magasin. De ce jour, son patron, pris de pitié, cessa de le railler, et voyant dans ces accès non l’effet mais la cause des habitudes vicieuses de son employé, l’augmenta de cinquante francs par mois, s’ingéniant à lui rendre l’existence plus douce.

Charlot s’était lassé des étalages de photographies ; il fréquentait les musées, les concerts en plein air, et, dans le détraquement de son système nerveux, qui superactivait tous ses sens en confondant leur sensibilité, il éprouvait les mêmes troubles sensoriaux à l’audition d’une valse lente et langoureuse, qu’au Louvre devant l’Endymion caressé par la Lune, du grand Salon carré. Depuis la période de collapsus qui avait succédé à son crime, il avait aussi l’amour des parfums. Avec la gratification que lui donna le marchand de fer lors de son inventaire, il acheta vingt sortes d’essences et un peignoir de femme, brodé de fausses dentelles dans lesquelles couraient des rubans. Les dimanches, lorsque la pluie l’empêchait de sortir, il passait ce vêtement sur son corps nu, après s’être couvert de poudre de riz et s’être versé un flacon d’eau de Lubin dans les cheveux ; et, assis devant sa glace, il restait toute l’après-midi à lire les œuvres de M. Octave Feuillet.