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CHARLOT S’AMUSE

pleurait, prévoyant un malheur, un crime, et ayant encore dans le dos le frisson d’affriolante horreur que lui avait causé la lecture du compte rendu du procès Menesclou. S’il allait finir comme ce Menesclou !… Il se secouait, la gorge étreinte par une subite angoisse, mais, la nuit venue, dans la solitude de sa chambre, il se mettait sur son séant, réveillé en sursaut par un effrayant cauchemar, et il songeait dans l’ombre, des heures entières. Sa folie génésiaque rêvait toujours du sang, et il avait, quand le jour revenait, des étonnements douloureux à se rappeler avec quel sang-froid terrible il avait projeté un ignoble crime et longuement choisi sa victime parmi les fillettes de la maison. Il courait alors se mettre la tête sous le robinet de la fontaine dans la cour, voulant chasser ce qu’il appelait un mauvais rêve. Au fond, il sentait que sa résistance était inutile. La tentation se faisait à présent atrocement régulière, l’assaillant aux mêmes heures, quoi qu’il fit et où qu’il fût.

Une après-midi enfin, elle le chassa du bureau avec une impulsion irrésistible. Il prit dans un tiroir le canif dont il taillait ses crayons et il rentra chez lui prétextant une indisposition. Il voulait courir, mais un priapisme cruel le força à s’arrêter, et il alla lentement, rasant