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CHARLOT S’AMUSE

il ralentissait le pas s’arrêtant aux devantures, ou regardait passer les femmes.

Sa promenade le conduisait jusqu’au passage Jouffroy, et il s’arrêtait longuement à son extrémité devant les vitrines remplies de photographies d’actrices. Il les connaissait toutes, mais ne se lassait jamais de les revoir, se gorgeant de la vue des cuisses et des poitrines qui, sur les grandes cartes-album, semblaient vivantes. Devant cet étal de chair, il haletait, plus pâle en dévorant ces nudités que les vieux qui se pressaient à ses côtés, également avides de voir.

Dans le tas, deux femmes attiraient surtout ses regards, et celles-là étaient ses maîtresses favorites. Il y avait d’abord la grosse Haimey, du Skating, une forte fille dont la gorge énorme débordait ignoblement, et dont les gros yeux de veau semblaient contempler le ciel, dans une extase pâmée. Puis, c’était Marrhy, de l’Alcazar, moins opulente de corsage que sa voisine, mais plus éhontée encore. Elle se penchait en agitant son éventail et ses seins sortaient du corset pareils à des gourdes. Elle retroussait en même temps sa robe à la hauteur de ses cuisses, montrant un morceau de peau au-dessus de ses bas rayés, et elle riait d’un rire idiot de pierreuse qui vient de « faire » un