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CHARLOT S’AMUSE

promenades. À six heures, en quittant son bureau, il allait courir Paris jusqu’à minuit, et, le dimanche, dès l’aube, il errait par les rues. Confusément, il nourrissait l’espoir d’un hasard qui le sauverait, de quelque chose d’extraordinaire qui surgirait sur sa route.

Du reste, il éprouvait, à certains moments, la nécessité de fuir à tout prix sa chambre et la populeuse cité du quai de Jemmapes. Là, parfois, en effet, des conceptions délirantes l’empoignaient dans la solitude nue de ses quatre murs. Les cris des femmes et des enfants sautant à la corde dans la cour, par les beaux soirs, l’exaspéraient. Il avait des hallucinations dont le réveil lui laissait la crainte vague d’un malheur. Des cauchemars sadiques le tourmentaient à présent, et son imagination tournait comme un cheval de manège dans la poursuite de plaisirs hors nature. Il rêvait de boire du sang dans des baisers, d’assaisonner ses plaisirs de crimes. D’autres fois, il se tordait sous l’instantanéité irrésistible et monstrueuse du désir de commettre quelque acte ignoble devant tout le monde. Il courait se plonger la tête dans l’eau, ou bien il se jetait contre les murs pour ne pas céder à son besoin fou d’ouvrir la fenêtre toute grande, et