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CHARLOT S’AMUSE

s’imaginait avoir mal choisi. Une autre fois, il serait plus heureux. Il emportait en attendant le charme troublant, la vision exquise de ces vingt femmes nues, splendides sous la clarté chaude du gaz, avec des fleurs et des rubans dans les cheveux, et exhalant des parfums autour d’elles. C’est ainsi qu’il s’était toujours représenté l’intérieur d’un sérail. Maintenant, pour peupler la solitude de ses rêves, il évoquerait ce capiteux souvenir. Le soir même, ne pouvant dormir, il s’abandonna à la tentation, et, les yeux fermés, tandis que ses mains s’égaraient à la recherche de molles caresses, plus lentes, il revit les pensionnaires de la rue d’Aboukir ; il se pâmait sous leurs baisers, tandis que la négresse lui éventait le front…

Et il retourna à ce qu’il appelait en souriant son harem. Il vivait de pain sec, il empruntait. Même, dans son aberration, il chercha, mais sans y parvenir, à voler son patron. Bientôt, à bout de ressources, il dut renoncer à ses visites au bouge. Il avait vendu le peu qu’il possédait, ne gardant que son lit, sa table et les vêtements indispensables. Son marchand d’habits n’étant plus payé, avait fait pratiquer une saisie-arrêt sur ses maigres appointements. Ce fut une misère noire, horrible. Maintenant, il allait sale et crasseux, sans