Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/281

Cette page a été validée par deux contributeurs.
269
CHARLOT S’AMUSE

pas de chez elles comme celles-ci pour aller rouler les cafés du quartier. Elles n’avaient qu’un peignoir de gaze transparente, fendu du col au pied et ne tenant à leurs corps que par les manches. Et elles s’offraient du geste seulement, se faisant valoir en des poses étudiées. Dans un coin de la pièce, l’une d’elles, une négresse, hideuse, obèse, énorme, étalait dans un fauteuil une avalanche de chair grisâtre, tout en achevant de mastiquer un croûton de pain avec un bruit agaçant de mâchoires.

— Allons ! monsieur, fit la sous-maîtresse, vieille femme très digne et très polie, faites votre choix !…

Charlot choisit une grosse fille blonde, celle dont la poitrine lui parut la plus ferme, puis, ayant payé, il monta au deuxième étage avec sa compagne. Il exultait, l’œil luisant, la lèvre humide. Dans la chambre, la femme le cajola. Elle serait bien gentille, elle aurait toutes les complaisances, mais il fallait qu’il fût généreux. Hors de lui déjà, il lui donna ce qu’elle demanda, ne voulant pas songer qu’il n’aurait point de quoi manger le lendemain, et tout au bonheur de l’heure présente. Mais ce bonheur fut dérisoirement court. Et, cinq minutes après, il se retrouva dans la rue.

Pourtant, il n’eut point de colère. Naïf, il