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CHARLOT S’AMUSE

vieille semblait travaillée d’une idée subite. Son regard, éteint par l’alcool, s’allumait à considérer les membres athlétiques de Rémy. Un instant, il crut qu’elle lui lançait une œillade d’une provocation significative ; mais, tout de suite, il chercha à se persuader qu’il s’était trompé.

— Et pourtant, pensait-il, elle est capable de tout !

Il se rappelait, maintenant, les confidences que le pauvre Duclos lui faisait, lorsqu’après quelques verres de vin, il laissait échapper son secret, racontant à son vieux compagnon son mariage et ses misères.

Cependant le temps s’écoulait. Des bruits de pas coupaient le silence de la cour et la grosse porte de la rue claquait à chaque instant, sous la poussée des travailleurs de la première heure, courant allumer les fourneaux des usines voisines, ou turbiner aux Halles. Au-dessous du logement de Duclos, on entendait le grincement d’une pelle sur le pavé : le chauffeur du teinturier bourrait sa machine de charbon. Rémy s’assoupissait, à présent, pris d’une molle paresse qui le clouait sur sa chaise dans une lassitude endormie. Il pensait à rentrer chez lui, se donnait cinq minutes de grâce avant de se lever, et se laissait toujours aller,