Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
266
CHARLOT S’AMUSE

un ignoble cabinet que lui louait un marchand de vin. Elle cogna contre la cloison et un garçon apporta une chopine de vin rouge et deux verres ; on trinqua. Charlot, pris de dégoût, regardait la pièce nue dont les murs suintaient, et où, pour tous meubles, il n’apercevait qu’un atroce canapé recouvert d’un cuir gras, une table, un chandelier, une terrine. Il paya la femme, ferma les yeux pour recevoir ses ignobles caresses et s’enfuit avant qu’elle se fût relevée. En chemin, sa rageuse colère s’exhala par des cris qui faisaient retourner les passants. Semblable à un ivrogne, il frappait à grands coups de poing les devantures sonores, et jouissait à meurtrir ses mains sur les ferrures des volets. Le guignon ne l’abandonnerait donc jamais ? Mais qu’était-ce donc que la vie et qu’avait-il fait pour souffrir de la sorte ? Il venait de dépenser presque tout ce dont il pouvait disposer pour un mois, et, en échange de cette somme qui représentait mille privations, il n’avait même pas obtenu deux minutes de plaisir ! C’était une fatalité. Il y avait quelqu’un dont la volonté s’opposait à ce qu’il sortit de ce vice solitaire au bout duquel l’attendait la mort. Il était maudit !

Et repris de la religiosité vague de son enfance, il songea brusquement à attendrir cette