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CHARLOT S’AMUSE

la lâcher. La femme, remuée, éprouvait elle-même sa part de ce délire, mettant dans ses caresses et dans ses baisers une passion qui n’était plus feinte, et se livrant tout entière, dans une bestiale jouissance, ainsi qu’elle l’eût fait avec son amant de cœur.

Charlot sortit transfiguré.

Dès lors, il n’eut plus qu’une préoccupation, se procurer de l’argent, retourner, s’abreuver à cette source de plaisir qui venait de lui être révélée. Il vendit sa ration de pain, ne vivant plus que de soupe. Il bazarda de vieux effets et trafiqua des petits services que, comme comptable, il pouvait rendre à ses camarades. Il était devenu âpre au gain comme un juif, mettant de côté, sou à sou, et économisant soigneusement les vingt-cinq centimes de son prêt, tous les cinq jours. Il écrivit à l’abbé Choisel, inventant des histoires de vêtements perdus, d’équipements volés qu’il fallait remplacer sous peine de punitions, et de livres à acheter, d’études qu’il voulait faire. L’abbé, à deux ou trois reprises, lui envoya vingt francs, puis, bientôt, se lassa et s’informa auprès de son confrère, l’aumônier du régiment. Celui-ci éclaira le curé et Charlot ne reçut plus que de pieuses mercuriales. Où avoir de l’argent ? Le plaisir était tarifé à un ou deux francs la