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CHARLOT S’AMUSE

le champ de manœuvre pierreux et nu arpenté tant de fois. Ce cadre détesté faisait suite au Chapeau-Rouge d’où il venait de fuir. Il n’osait y évoquer les rêves dont, d’ordinaire, il charmait sa solitude, avec la terreur inavouée de constater encore son impuissance, malgré l’absence de Camélia. L’heure passant, il se décida enfin à tenter l’expérience, écoutant, tremblant en lui-même. Bientôt, il eut un soupir soulagé : dociles, les sensations ordinaires s’éveillaient à son appel. Qu’avait-il donc tout à l’heure, là-haut ? Était-ce le dégoût ? Mais il se rappelait fort bien que son dégoût avait disparu, lorsqu’il s’était abandonné entre les bras de la fille, pour retrouver coûte que coûte ses spasmes interrompus. Qu’était-ce donc ? Cet inconnu en venait peu à peu à l’effrayer, et, sous l’impression de la tristesse obscure du milieu, il se laissait aller à un attendrissement d’une désespérance infinie. Certes oui, il méprisait la femelle et ce n’était pas celle de ce soir qui le guérirait de sa misogynie ; certes oui, il ne reviendrait pas dans ce Ghetto ignoble et crapuleux s’accoupler à quelque gouge : il aimait trop pour cela sa chère solitude et ses solitaires plaisirs ; mais cependant, il regrettait le rôle ridicule qu’il avait tenu. Oui ou non, était-il un homme