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CHARLOT S’AMUSE

caresses, s’épuisait à conserver cette ardeur, lorsqu’il était entre ses bras.

À la fin, elle eut un juron. Alors, il lui échappa, se précipita dans l’escalier et s’enfuit.

Il courut longtemps, et loin, aussi loin qu’il put, jusqu’à ce que ses jambes lassées refusassent de marcher. Enfin, anxieux, époumoné, il se laissa tomber sur le sol. Il avait dépassé les fortifications, il était sur la route des Maisons-Neuves, seul, dans le noir. Des fossés, une chanson de crapauds montait, mélancolique ; plus loin, un grillon monotone s’égosillait à geindre dans l’herbe des talus. C’était partout un parfum de lavande qui, avec une chaleur, rasait le sol. Le ciel était couvert de nuages, et Charlot, navré et perdu dans l’obscurité, ne découvrait que des formes vagues et sombres. Oh ! comme il aurait voulu se retrouver à Castigneau, au bord de la rade, par une nuit étoilée ! Son désespoir, croyait-il, aurait cessé là-bas, devant la laiteuse et consolante clarté réfléchie par la mer, tandis qu’ici, il le sentait s’accroître de toute la pesanteur banale du paysage familier, dont, dans l’ombre, il reconstituait de mémoire les terrains vagues, les remparts, la route poussiéreuse, le cimetière là-haut et, dans le bas,