Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
CHARLOT S’AMUSE

et de sonner en cognant les murs. Parfois, une bande d’Italiens entrait en hurlant une chanson de leur pays, et des bottes dans lesquelles s’enfonçait le pantalon de velours on voyait surgir le manche de corne des couteaux. Ou bien, encore, c’étaient des matelots qui se ruaient au comptoir, bousculaient tout le monde, et insistaient pour vendre au patron quelque enseigne de sage-femme ou de limonadier qu’ils avaient décrochée en route.

Et Charlot, ahuri, fermait à demi les yeux, en se cramponnant au bras d’un de ses compagnons, et traînait de débit en débit l’affreuse vision de cette foule en rut, et surtout de ces tétines, de ces cuisses grasses et de toutes ces chairs de femmes qui, de tous côtés, accrochant son regard, le hantaient désespérément.

Quand ses amis le crurent suffisamment gris, quand eux-mêmes marchèrent moins droit et ne répondirent plus aux appels ou aux injures des prostituées que d’une voix pâteuse, ils entrèrent dans une maison. À la porte, il y eut lutte. Le conscrit ne voulait pas les suivre, mais ils l’empoignèrent :

— Faut que tu y passes ! C’est l’ordre du lieutenant !…

Puis, ils le poussèrent au milieu d’un salon où