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CHARLOT S’AMUSE

retrouver sa démoralisante solitude. Cependant ce ne lui était pas toujours facile de s’isoler, dans cette caserne vivante où grouillait la population d’une ville, et les bords de la mer, en cette saison et aux heures auxquelles il était libre, n’étaient pas assez déserts pour qu’il osât s’y risquer. Il errait alors l’air en peine, ahuri comme un chien égaré, et ne retrouvait son pâle sourire d’anémique qu’en se mettant au lit, le soir venu.

Aussi bénissait-il ses jours de garde, et, volontiers, la nuit, montait-il faction double. Il aimait les postes éloignés, réputés les plus tristes. Accoté contre sa guérite, pelotonné dans son caban, il aimait à laisser couler les heures, et à ne s’apercevoir de la fuite du temps qu’au passage des rondes. Il retrouvait là les torpeurs exquises qui l’enserraient tout petit, quand, sur les genoux d’Origène, il contemplait l’illumination du ciel. Mais son bonheur actuel lui paraissait puiser dans sa solitude une plus douce saveur. Puis, il était autrement splendide et troublant qu’à la rue des Récollets, le cadre qui, maintenant, abritait ses molles songeries. Et dans l’attendrissement maladif de son cerveau déséquilibré, cédant à un besoin vague d’idéalité, fruit de son éducation première et de ses romanesques lectures, le jeune maniaque l’ad-