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CHARLOT S’AMUSE

Un jour, son sergent-major et son fourrier rappelèrent. Ils avaient entendu dire qu’il calligraphiait en véritable élève des frères, et, tout de suite, ils lui donnèrent du travail.

Docile et plein de zèle, il s’en acquitta si bien que les deux sous-officiers ne lui permirent plus de quitter la chambre de détail. On l’exempta de tous les exercices et de toutes les corvées ; il montait seulement sa garde à son tour. Il eut dès lors du temps à lui, de longues heures à perdre en flânerie, sa besogne quotidienne de comptable terminée.

Cette liberté le gêna d’abord et pesa presque autant sur ses épaules que sa fatigue des premiers jours. En vain il essaya de l’employer à lire ; les romans que le fourrier apportait du cabinet de lecture l’ennuyaient, parlant tous de l’amour et de la femme. Et las, accablé de son désœuvrement, il passait à la fenêtre les journées pendant lesquelles il était seul.

À travers le grillage étroit, il découvrait, de son cinquième étage, le petit arsenal avec ses hangars, ses chantiers de bois et ses cales de navires en construction. À côté du Foudroyant, d’où montait la chanson continue des maillets des calfats, il apercevait un lambeau de la rade semblable à un pan de lustrine bleue étendu à sécher. Derrière, le grand arse-