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CHARLOT S’AMUSE

surpris lui-même, lui soufflait une ardeur belliqueuse, réveillant à cette heure son amour d’enfant pour les troupiers, le tambour et les uniformes voyants.

La réponse du commandant de recrutement jeta un véritable seau d’eau froide sur cette fièvre. Que de formalités, que d’exigences pour accepter un dévouement qui s’offrait ! L’orphelin n’en revenait pas ; à vrai dire, il ne savait rien de la vie. Depuis sa sortie du collège, il avait ainsi, à chaque pas, des étonnements naïfs, et c’est d’un air furieux contre la société et contre lui-même qu’il se heurtait contre les réalités auxquelles l’Énéide ne l’avait qu’insuffisamment préparé : est-ce que l’Église et l’Université lui avaient enseigné la loi, et, avec la loi, les nécessités sociales ? Il fut presque impertinent vis-à-vis de l’officier et se fit répéter plusieurs fois ce qu’il avait à faire. Puis, force lui fut de ronger son frein et d’attendre, en dépensant le moins vite possible les cinquante francs de l’abbé Choisel.

Enfin, au bout de plusieurs jours, il reçut de Paris, avec l’acte de décès de son père, une pièce officielle constatant que sa mère avait disparu depuis six ans, et, dès lors, il n’eut plus que les démarches habituelles à remplir. La visite médicale fut cependant toute une