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CHARLOT S’AMUSE

et elle était sans doute encore en état de grâce quand l’attaque l’avait abattue…

Charlot n’entendait pas le pieux bavardage de la religieuse. Il s'était abîmé à genoux au pied du lit, la tête perdue dans les draps, brisé de sanglots et, fou de honte, ne voulant plus voir la face pâle de la morte. La vieille avait à présent son ancienne physionomie, la figure sèche et dure qu’il lui avait vue, avant de s’être fait aimer d’elle. Et une désespérance envahissait le misérable, comme s’il avait découvert un reproche suprême, une malédiction inachevée, dans ces traits anguleux et secs, dans ces lèvres pâles et minces, dans ces yeux froids, sans regard, dans tout ce cher visage, désormais sans tendresse et méchamment remodelé par le doigt de la mort.

Pendant huit jours, la douleur de l’orphelin fut navrante. Un effondrement s’était fait en lui. Une semaine après l’enterrement, comme, un matin, il allait partir au cimetière, le père Choisel l’appela au salon. Il y avait là un homme habillé de noir qui feuilletait une serviette remplie de papiers. L’entrevue fut courte. Le curé se taisait, l’œil plus luisant que jamais, laissant parler son compagnon. Abasourdi, Charlot ne comprit pas tout d’abord. On lui lisait un testament. Pourquoi ? Il ne devina la