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CHARLOT S’AMUSE

tives. Le malheureux se rappelait ses tristesses subites, et comment, avec des remords confus, une pusillanimité lavait pris à quinze ans qui le tenait toujours. Sa propre lâcheté l’écœurait, mais il continuait à se reconstituer le passé, période par période, avec, par instants, l’âcre plaisir de remuer cette boue qui était lui-même.

L’image de Lucien le distrayait d’ailleurs, traversant et retraversant ses souvenirs. Lorsque vers seize ans son innervation génitale s’était à jamais déréglée, c’était à Lucien qu’il était allé se plaindre tout en larmes, et confier à quel point la maladie s’aggravait. Son ami avait souri, l’invitant à une philopodie reposante qui l’épuiserait moins, et lui avait cité Suétone, qu’il appelait le naturaliste de l’histoire, tout fier de ses premières connaissances littéraires et de son bachot conquis à dix-sept ans. La dépravation du jeune lauréat à présent, en effet, ne se manifestait plus que par d’ignobles paradoxes de potache vicieux. Sa passion s’était émoussée, mais sa robuste santé ayant triomphé des précoces débauches, son horreur de la femme s’en allait maintenant à vau-l’eau. À Nancy, il venait d’entr’apercevoir de troublants horizons. Pour s’être frotté à quelques jupes, il avait recouvré les sains