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CHARLOT S’AMUSE

Il éprouvait alors une boulimie qui atteignait son cerveau et son estomac à la fois, dans le besoin instinctif de réparer de toutes façons la continuelle déperdition de ses forces, avant leur émoussement général. Les deux amis étaient séparés maintenant, se trouvant dans les classes différentes et demi-pensionnaires. Les récréations seules les réunissaient dans le jour. De là ces lettres enfiévrées et brûlantes qu’ils échangeaient d’étude en étude.

Charlot souriait en les relisant. Cet immonde attachement, cet amour contre nature lui faisait battre encore le cœur. Il les traitait d’enfantillages, ces joies malsaines évoquées à présent, et plus douces dans l’estompement indécis des choses du passé ; cependant, il aurait voulu goûter de nouveau leur étrange et troublante saveur.

Les premières initiations de Lucien à la littérature antique perçaient, çà et là, dans ces pages écrites sur du papier de copie rayé de bleu, ou au verso d’un pensum, d’un devoir. Il était Alexis, et Duclos Corydon, car des feuillets de leur Virgile, de leur Ovide, de leur Horace, des bouffées chaudes et malsaines montaient qui grisaient leurs jeunes têtes des parfums voluptueux d’un Orient blasé. Et à côté des réminiscences classiques qui déton-