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CHARLOT S’AMUSE

Tout autour, on pouvait reconstituer la lutte. Dans les terres labourées, il y avait des lignes régulières de boîtes à cartouches, qui indiquaient les positions des combattants et, peu à peu, reculaient. Les Français avaient battu en retraite jusqu’aux maisons. Là, ils s’étaient barricadés. Bientôt, devant l’incendie, les premiers venus avaient gagné la montagne, s’abritant derrière les gros arbres pour faire le coup de feu. Des casques à pointe, des ceinturons, des armes même trouaient le sol détrempé. Charlot et Lucien, cependant, pénétraient dans les maisons, en proie à une horreur croissante, mais envahis d’une sauvage curiosité, qui surmontait leur angoisse. Dans une salle basse, ils découvraient toute une rangée de fusils. Des francs-tireurs avaient lutté là jusqu’à ce que leurs munitions fussent épuisées, puis, ils étaient morts. Les fenêtres étaient encore matelassées, et il y avait des meurtrières percées dans les cloisons. Sur une muraille blanche, des mots apparaissaient, distincts, écrits avec un charbon pris dans l’âtre : Cambriels est un c…, dernière imprécation d’un soldat vaincu, suprême insulte au chef, dont, en se battant, il attendait l’arrivée et la victoire. On voyait des traces de sang partout. Sur le bahut, sur le pétrin, des fragments de