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CHARLOT S’AMUSE

soulageait vite, et il revenait à son habituelle hébétude. Une heure après, las de battre les bois ou les champs, il s’étendait sur le sol, se couchant dans les bruyères ou dans l’herbe, ayant par contenance un livre ouvert, devant lui, sur sa boîte d’herborisateur. Il restait là, l’œil perdu dans une muette contemplation du ciel, suivant dans le grand bleu les arabesques des hirondelles, heureux de s’endormir dans les senteurs tièdes de la campagne, afin de moins penser encore, et surtout de ne pas réveiller son mal.

Mais, quand le sommeil ne venait pas, il se sentait plus détraqué ; et incapable désormais d’occuper son cerveau, il cherchait d’idiotes distractions dans la poursuite des perce-oreilles sous les écorces, ou dans la destruction d’une fourmilière. Quelquefois, il chantait à tue-tête tout ce qu’il se rappelait, refrains obscènes et pieux cantiques. Son répertoire s’épuisait vite, les fourmis finissaient par disparaître emportant leurs œufs, et il lui aurait fallu se lever pour trouver un autre arbre à écorcher ou à couvrir de ses initiales avec son couteau. Alors, il se tordait les bras en bâillant, et sa journée s’achevait, comme toutes les autres, dans la revue de sa vie jusque-là. Il ruminait son passé, le remâchon-