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CHARLOT S’AMUSE

çà et là, les larges flaques blanches et les ruisseaux radieux que faisaient, étendus sur l’herbe, au grand soleil, les pièces ou les rouleaux de toile de la blanchisserie voisine. À gauche, c’était un canal resserré qui se rendait à l’usine, attelant son courant, dans un inutile et continuel effort, à l’image tremblotante des grands arbres. Sur la rive opposée, une colline s’étageait, couverte d’un bois épais dont l’eau baignait la lisière. Par endroits, plus fréquents à mesure que Charlot avançait, les sapins, les bouleaux, les chênes dévalaient là, pressés, se poursuivant sur la pente. Ils entrecroisaient leurs branches dans un sombre et confus fouillis, qui surplombait le canal au lit plus étroit, et, penchés dans un effort croissant, lançaient leurs ramures au-dessus de l’eau, comme pour les confondre, en une inextricable étreinte, avec celles de l’autre bord. Par places, l’union se faisait, échevelée, et c’était dans le vert un mystérieux coït, dont le vent trahissait les baisers par la contagieuse palpitation des feuilles. Au-dessous, le canal s’assombrissait. Il avait des teintes moirées près des rives, le long des rochers moussus et sous l’inclinaison des aulnes. Au milieu, à l’ombre moins épaisse tombant du dôme des arbres, un velours glacé dormait dans la fraîcheur, et des bandes