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CHARLOT S’AMUSE

cette transplantation brusque dans cette calme maison de province, sur cette rue silencieuse où l’herbe poussait entre les pavés, dans l’ombre religieuse des maisons endormies et des murailles de soutènement toutes moussues que dominaient les escaliers monumentaux conduisant à la cathédrale. Brisé de fatigue, il s’endormit, entendant bruire dans sa tête la trépidation des vitres du wagon, et sourdement résonner, en de brusques cahots, le roulement tapageur que font les trains sur les plaques tournantes à l’approche des stations.

Il se réveilla ne se reconnaissant plus ; pris d’effroi devant l’inconnu lorsqu’il se souvint. Les frères, si placides la veille, allaient et venaient affairés. Charlot pressentit qu’il était survenu quelque événement grave et attendit, anxieux. On l’appela enfin chez le directeur, frère Isidore, et, là, il apprit que l’ouverture de l’école professionnelle projetée venait d’être ajournée à l’automne par monseigneur.

Que s’était-il passé ? L’enfant ne songea point à le demander. Il restait timide devant le mariste, n’ayant dans le trouble de ses idées qu’une inquiétude précise. Qu’allait-on faire de lui jusqu’au mois d’octobre ? Allait-on le renvoyer dans l’horrible bagne qu’il venait de quitter ? Une affre silencieuse l’empoignait à