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CHARLOT S’AMUSE

— Tais-toi ! répondit Eusèbe, nous sommes arrivés à temps !…

Les quatre ignorantins entrèrent alors au dortoir et s’y barricadèrent, incapables de dissimuler plus longtemps et éprouvant l’impérieux désir, sous couleur d’explications, d’épancher leur âcre rancune et leur envieuse jalousie. Les bénins personnages ressemblaient à des hyènes prêtes à se mordre, et, leur masque dévot, pour une fois, pour une minute rejeté, laissant apparaître leur férocité première et leurs véritables instincts. On eût dit que toute la rancœur de leur vie cloîtrée reparaissait en cet instant, comme si le viol inconsommé de leur favori n’était pour eux qu’un prétexte d’écouler les vieilles colères longuement amassées, les regrets haineux et la bile mauvaise emmagasinée durant le muet martyre de leur démoralisante existence de castrats.

L’écume aux lèvres, ils s’apostrophaient tous, retrouvant les ignobles injures que, faubouriens ou paysans, ils avaient, étant enfants, entendu proférer par leurs proches ou qu’ils avaient jadis vomies eux-mêmes autour des charrettes, en piétinant le fumier des étables, ou dans les cités ouvrières au fond des villes, quand, gamins encore, ils vivaient dans la pro-